l’Ecole des Femmes

de Molière

« L’Ecole des femmes » (VU au Théâtre du Parc à Bruxelles – jusqu’au 21 mai) : la « vision augmentée » de Patrice Mincke est une réussite. Le plus souvent, cette « Ecole » est la farce d’un barbon ayant cru « se réserver » une jeune fille en la mettant à l’écart du monde, mais vaincu par la naïveté efficace de celle-ci. Une farce riche en réjouissants quiproquos. Mais cette pièce a d’autres résonances, glaçantes celles-là. La longue séquence des prescrits relatifs au mariage énoncés par le barbon, si efficacement mise en scène, nous confronte à toute l’horreur de ceux qui, aujourd’hui encore, à la fois excluent et s’approprient les femmes parce que femmes. Fini de rire. La farce est dans les apparences des costumes et d’accessoires plus que flashy (Renata Gorka), mais soudain, une robe de mariée et un voile font tout basculer. Guy Pion, au jeu remarquablement maîtrisé, aussi ridicule que menaçant, mais pathétique peut-être, s’impose. Tiphanie Lefrançois ne rate pas la chance qu’est toujours le rôle d’Agnès. A leurs côtés, Béatrix Férauge et Thierry Janssen, les valets dévoués, ont un look improbable et bienvenu de « barakis ». Nathan Fourquet-Dubart, Benoît Verhaert et Thierry Debroux complètent « le tableau ». Les bonnes idées ne manquent pas, ainsi celle des apparitions de deux jeunes « Agnès » – la gamine et la petite fille – poupées successives des fantasmes d’Arnolphe (photo Zvonock) (www.theatreduparc.be)

Stéphane Gilbart – 25 avril 2022

 

Au théâtre du Parc, pour les 400 ans de Molière

L’école des femmes

…En vain mille jaloux esprits,
Molière, osent avec mépris
Censurer ton plus bel ouvrage;
Sa charmante naïveté
S’en va pour jamais, d’âge en âge,
Divertir la postérité….

Ou comment l’esprit vient aux jeunes filles… Quand Molière écrit cette pièce, il a  40 ans. Le 20 février 1662, il vient d’épouser Armande, de 20 ans sa cadette, fille de sa première conquête, Madeleine Béjart. Scandale absolu, certains sycophantes  iront jusqu’à prétendre qu’il a épousé sa propre fille! Leur bonheur dérange les bien-pensants.

Or dans la pièce, le personnage d’Arnolphe est un être bien  pathétique, son nom est d’ailleurs celui que l’on donne à l’époque à tous les cocus, de là , on comprend son  désir de le changer en  une appellation plus noble :  « Monsieur de la Souche ».  Le destin s’amuse, Molière   n’avait pas prévu qu’à notre époque,  le terme « français de souche » nous donnerait  tant d’urticaire, avec ses sombres prétentions à la pureté …des mœurs et des gens !   Arnolphe s’avère donc morose, affairé, et jaloux à l’extrême, n’engendrant guerre la joie, ni dans sa parure ni au logis. Guy Pion endosse ce rôle avec   tout l’éclat de  son art.  Sous les traits d’Arnolphe, irradient en lui autant le  Richard III, que  L’Avare ou Monsieur Scrooge, ces magnifiques rôles qu’il a joués avec tant de talent et de vérité.    Dans Arnolphe, il concentre les éléments les plus repoussants du mâle despotique et possessif,  imbu de sa personne,   féru  de théories machistes qu’il partage allègrement avec son époque.  Cette scène de la robe de mariée, où il dévide les obligations de la femme au foyer est une page d’anthologie révoltante. Muette, Agnès subit l’assaut avec vaillance. Va -t-il réussir  son plan  fou et machiavélique  d’avoir mis en pépinière une petite fille de quatre ans qu’il se réserve comme future épouse, l’espérant la plus sotte possible afin que   jamais personne ne voudra la  lui ravir. Réussira-t-il dans son  égoïste et vaine entreprise ?   Ou la  jeune donzelle, naturellement  non dénuée d’esprit  va-t-elle réussir à berner le compère et  prendre à son insu  les pleins pouvoir pour gérer sa vie, ses amours et ses désirs?  Il semble qu’insidieusement les  nobles principes de  Rabelais  ont  dû parrainer   la jeune éveillée et vont faire  taire ces tentatives totalitaires, hypocrites et  jansénistes qui hantent la société où vit Molière. Et même si Molière se moque des Précieuses de l’époque, il leur donne voix au chapitre et fait avancer la reconnaissance de la femme comme être humain à part entière.

Agnès est bien le produit de Molière. La  si frêle, délicate enfant innocente se mue très vite en  femme émancipée, préférant le jeune et vigoureux Horace à son vieux barbon d’ Arnolphe. Et elle dégage un charme à couper le souffle qui s’allie à merveille avec le jeu très agréable de Nathan Fourquet-Dubart en Horace . Elle respire l’innocence, elle préfigure la liberté féminine par la voix, le jeu, les manières, les intonations, les postures.  Tout est beau chez elle,  étudié et naturel à la fois, il n’y a rien à jeter, on sent chez elle l’instinct du théâtre ! Pas étonnant que le vieil Arnolphe soit si épris! La jeune comédienne qui l’interprète est fraîchement sortie du conservatoire, elle se nomme Tiphanie Lefrançois et n’a sans doute qu’à se baisser pour ramasser les cœurs!

La mise en scène signée Patrice Mincke est un réel travail d’orfèvre, dans un décors aussi simple que le rêvait Molière…  mais  résolument moderne, – Hotel California ?  –  et paré de nombreux éléments symboliques : un défilé de portes-miroirs, un escalier en colimaçon qui conduit à l’étage à une mystérieuse salle de bain en contrejour, un mur de ciment doté de fenêtres aveugles bordé   d’une coursive de prison. Pas une feuille d’arbre ou le moindre élément vivant. Le lieu est fait pour enfermer et pour étouffer.

Le règne du faux est abondamment présent dans l’habillement des  hallucinants valets Alain et Georgette somptueusement interprétés par Thierry Janssen et Beatrix Ferauge, les couleurs acides, le kitsch absolu  de ce  bar mobile digne de Las Vegas où  se prélasse Horace. De savants effets surprises que l’on vous laisse découvrir figurent les phantasmes du maître des lieux et les différents âges de la jeune damoiselle.  Bref, un art de la mise en scène à la fois dépouillé et totalement parlant fait vibrer un texte mi parlé mi scandé en alexandrins d’une superbe légèreté. Et le tout se voit brodé d’une musique de thriller comme au cinéma, absolument palpitante et noire, une création originale de Daphné D’heur, géniale compositrice. De la belle ouvrage! Et, devinez qui joue … Oronte!

26 avril 2022 – Dominique-Hélène Lemaire pour Arts et Lettres

Avec Thierry Debroux, Béatrix Ferauge, Nathan Fourquet-Dubart, Léone François, Thierry Janssen, Guy Pion, Benoît Verhaert, … et deux enfants

Mise en scène Patrice Mincke
Assistanat Sandrine Bonjean
Scénographie et costumes Renata Gorka
Lumières Alain Collet

 

L’école des tourments et aléas de l’amour

Ah Molière ! Quel délice d’écouter, qui plus est en cette année anniversaire, ses vers dans un français tenu, pointu et précis, où chaque
mot est gorgé d’un sens aigu et exalte la beauté de la langue en une harmonieuse partition. Mais il n’est pas tout de savourer le son mélodieux des
vers, encore faut-il en saisir la portée. Car nous sommes bien là face à une phraséologie datant d’il y a près de 400 ans ! Et pourtant, en génie qu’il est,
Jean-Baptiste Poquelin, alias Molière, a créé des oeuvres dont on ne louera jamais assez la clairvoyance et la contemporanéité. À l’image de L’École
des femmes, comédie en cinq actes écrite en 1662.

Remarquable Guy Pion
Fidèle à sa volonté de présenter des chefs-d’oeuvre (Scapin 68, Le Chevalier d’Éon, Les Atrides, Peter Pan, Notre-Dame…) au plus grand
nombre et à plusieurs générations de spectateurs, le théâtre du Parc (en coproduction avec le théâtre de l’Éveil) a confié la mise en scène de ce nouveau
spectacle à Patrice Mincke, à qui l’on doit déjà, dans ce théâtre même, plusieurs succès : L’Avare de Molière, Le Noël de Mr Scrooge de Dickens et 1984
d’Orwell. Trois pièces dont le rôle-titre était tenu par Guy Pion – formidable – et que l’on retrouve, tout aussi remarquable, en Arnolphe dans L’École
des femmes.

Arnolphe est un monsieur d’âge mûr qui, pour se garantir un rang social plus élevé, a décidé de se faire appeler “M. de La Souche”. Dans la même veine, craignant le cocuage, il a, jadis, jeté son dévolu sur une fillette de 4 ans qu’il a fait enfermer dans un couvent afin d’en faire une parfaite ingénue qu’il pourra épouser sans courir le risque (pense-t-il) qu’elle lui devienne un jour infidèle. À 17 ans, Agnès (Tiphanie Lefrançois, jeune comédienne prometteuse) rejoint la demeure de son “maître”. Mais la jeune femme n’est pas aussi “sotte” que l’espère Arnolphe qui, flanqué de ses deux valets espiègles, Alain (Thierry Janssen) et Georgette (Béatrix Ferauge), tente le tout pour le tout pour qu’elle ne s’éprenne pas du jeune Horace (Nathan Fourquet-Dubart, belle révélation de cette distribution), tombé fol amoureux d’elle. En vain : le stratagème monté par Arnolphe pour contrer ses tourments ne peut rien contre les aléas de l’amour.

Puissance et divertissement
Si Molière a construit sa pièce comme une comédie, Patrice Mincke s’est gardé d’appuyer trop fortement sur ce trait afin de mieux laisser affleurer la; puissance du propos et l’écho qu’il suscite avec notre monde actuel. Cela, sans pour autant assombrir le spectacle, qui se veut avant tout un grand divertissement familial. La musique (de Daphné D’Heur) et les éclairages (d’Alain Collet) ainsi que la scénographie et les costumes de Renata Gorka participent d’ailleurs magnifiquement à cette double intension : lumières chaudes ; ambiance sonore avec des rires d’enfant ; décors sur un double niveau dans un jeu de miroirs et transparence ; habits colorés et acidulés, voire pailletés, sauf pour Arnolphe, coeur en peine pris à son propre piège, en complet foncé.

“J’aimerais mieux une laide bien sotte
Qu’une femme fort belle avec beaucoup d’esprit.”

Arnolphe

Stéphanie Bocart – La Libre – 28 avril 2022

 

L’Ecole des femmes de Molière, un spectacle exceptionnel et immanquable actuellement sur les planches du Théâtre Royal du Parc

20 février 1662

Molière est un génie. Un génie des lettres et des mots dont toutes les pièces traversent le temps avec un bonheur mille fois renouvelé. L’Ecole des femmes, actuellement à l’affiche du Théâtre Royal du Parc, dans une superbe mise en scène de Patrice Mincke, ne faillit pas à la règle malgré son sujet délicat aux yeux de certains observateurs rétrogrades et moralisateurs très premier degré qui n’ont sans doute pas tout compris du propos d’un auteur en réalité très en avance sur son époque. Ne boudons donc pas notre plaisir !

Résumé de l’éditeur : Arnolphe, qui vient de changer son nom en celui, plus aristocratique, de « M. de La Souche », est un homme d’âge mûr qui aimerait jouir du bonheur conjugal  mais il est hanté par la crainte d’être trompé par une femme. Aussi a-t-il décidé d’épouser sa pupille Agnès, élevée dans l’ignorance, recluse dans un couvent.
Horace, fils d’Oronte (un ami d’Arnolphe)  est tombé amoureux d’Agnès au premier regard ; il le confie sous le sceau du secret à Arnolphe dont il ignore  la double identité.Arnolphe décide de précipiter le mariage et inculque à sa future épouse les rudiments des devoirs conjugaux, sans oublier les terribles effets de l’infidélité. Mais Horace n’a pas dit son dernier mot et Agnès est, elle aussi, amoureuse du jeune homme …

« Dis-moi, n’est-il pas vrai, quand tu tiens ton potage,

Que si quelque affamé venait pour en manger,

Tu serais en colère, et voudrais le charger ?

– Oui, je comprends cela. –

C’est justement tout comme : La femme est en effet le potage de l’homme ;

Et quand un homme voit d’autres hommes parfois

Qui veulent dans sa soupe aller tremper leurs doigts,

Il en montre aussitôt une colère extrême. »

L’Ecole des femmes II, 4 (v. 432-439)

Dans L’Ecole des femmes, Molière se base sur l’idée générale de l’époque voulant que l’homme qui, estimant que l’esprit rend les femmes frivoles et infidèles, fait élever une jeune fille dans l’ignorance la plus totale des choses du monde dans le but de l’épouser, et qui malgré cette précaution se voit trompé par celle-ci.

À la lecture de la pièce de Molière, Patrice Mincke ne se contente pas de traiter le propos avec légèreté, critique ou moquerie, il tente de mieux comprendre ces personnages et d’explorer les ressorts de leur relation complexe.

Molière nous offre d’ailleurs un texte riche et rempli de nuances, dans lequel il bouscule les idées reçues sur le mariage et la condition des femmes, et il balançait déjà à son époque les vieux barbons qui abusent de leur pouvoir et de leur argent pour séduire de très jeunes filles. En réalité, sa pièce donne raison au libre choix de la jeune fille et laisse son vieux prétendant seul et désemparé malgré tous les stratagèmes déployés.

C’est nous inspirer presque un désir de pêcher,

Que de montrer tant de soins de nous en empêcher.

Il est clair que Molière – qui, le , avait épousé Armande Béjart, âgée d’une vingtaine d’années, et qui, au dire de ses détracteurs, aimait se faire courtiser par une foule d’admirateurs, au grand dam d’un Molière fort jaloux dont les rieurs se moquaient – a dû s’interroger sur ce genre de relation de mariage « contractuel » difficile à vivre pour les deux parties, et surtout pour la promise dont il comprend au final la rébellion et la recherche réelle du bonheur amoureux.

Outre une scénographie inventive absolument bluffante (la scène suggérée de la douche; celle magistrale et dérangeante de la robe de mariée; celle de l’apparition des petites filles démultipliées), le casting de la pièce est impressionnant avec un Guy Pion, magistral en Arnolphe, dont le texte est certainement un des plus imposants qu’il lui a été donné d’interpréter, et une Tiphanie Lefrançois, issue du Conservatoire Royal de Bruxelles, qui brille de mille feux et campe une Agnès magnifiquement crédible et touchante dans des scènes parfois difficiles et éprouvantes. Une révélation !

Notons aussi la juste interprétation de Nathan Fourquet-Dubart dans le rôle d’Horace, épris éperdument d’Agnès, celles de Thierry Janssen, égal à lui même, et de Béatrix Ferauge, parfaits tous les deux dans les rôles des serviteurs d’Arnolphe, de Benoît Verhaert en Chrysalde, et de Thierry Debroux dans le rôle d’Oronte. Mention spéciale aussi aux enfants qui jouent en alternance : Sophia Bloch, Lily Debroux, Laetitia Jous, Lilya Moumen, Jannah Tournay, Babette Verbeek.

Une fois de plus Molière séduit, et cette Ecole des femmes là mérite indéniablement votre déplacement, pour aller applaudir ce spectacle exceptionnel dont la dernière scène vous laisse interpellé et touché par la magie d’un théâtre intelligent aux mille facettes, source de réflexion et d’émotion.

Bravo !

Jean-Pierre Vanderlinden  – branchesculture.com – 04 mai 2022

 

Avis spontané envoyé  par un spectateur lambda.

Hier, j’ai vu l’Ecole des Femmes au Théâtre du Parc…

J’en avais lu une critique qui m’avait paru étrange dénonçant la misogynie du texte original de Molière. Il n’est même pas besoin de se parer de l’argument d’anachronisme tant le texte lui-même, de façon limpide, constitue une critique étonnamment avant-gardiste du sort réservé aux femmes dans la société d’alors (et d’aujourd’hui). Comment prendre au premier degré la scène de la lecture des maximes ? Comment ne pas percevoir la critique acerbe de l’idée qu’une femme puisse être la propriété, marchandise monnayée, d’un homme mûr qui l’enferme, physiquement et spirituellement, pour mieux en faire sa chose, son « bloc de cire » ? Non, vraiment, il n’est pas possible de lire le texte de Molière et ne pas saisir en un instant la modernité éclatante de ce texte qui ridiculise celui que l’on appellerait à notre époque « mâle blanc dominant cisgenre dans une société patriarcale ». 

Mais comme je le disais, hier, j’ai vu la mise en scène et l’interprétation de cette pièce au Théâtre du Parc. Et là, je dois dire que la critique qui me paraissait étrange me semble aujourd’hui totalement inepte. La force de la proposition du metteur en scène est précisément de ramener du premier degré. La souffrance d’Agnès mais aussi le caractère pathologiquement abusif d’Arnolphe sont pris au premier degré. Il n’y a pas la moindre ambiguïté quant à ce qui nous est montré pendant 1h30 ; une jeune femme victime, abusée et violentée par un homme malade. Fallait-il en faire une farce ? Ah oui ! Nous aurions ri davantage ! Comme au temps de Molière, nous nous serions allègrement moqué de ce ridicule Arnolphe « à demi cocu » du fait même qu’il ne cesse d’y penser. Nous aurions ri du hasard qui se venge de sa vilénie. Mais la proposition, ici, est plus forte et fait éclater au grand jour la violence, présente mais autrement camouflée, du texte originel. Lorsque nous voyons Arnolphe se délecter de la vision d’Agnès prenant sa douche et lui tendre, en guise de cadeau fait à lui-même, de la lingerie de dentelle blanche, nous ne rions plus. Et pour les quelques-uns qui seraient tentés, sans doute par gêne, de rire tout de même, la musique et le jeu des acteurs sont là pour nous en empêcher. Il n’y a pas de quoi rire ! Agnès est victime, Agnès est l’objet de la folie d’un homme. Pour mieux encore souligner la violence de la situation, et au risque assumé que la mise en scène vienne contredire quelques mots du texte, Georgette et Alain se décalent de leurs rôles de serviteurs benêts et dociles pour se transformer en bras armés de la jalousie paranoïaque de leur maître. Les bâtons vengeurs se mutent en battes de baseball dont le rouge sang, une fois encore, ne laisse planer aucun doute. 

Là où la finesse de cette interprétation est encore plus grande, c’est dans la façon dont nous approchons les méandres de l’esprit malade d’Arnolphe. Il se tourmente, hanté par les fantômes d’Agnès qui, d’ailleurs, s’avèrent sans doute plus fantasmatiques que spectraux. C’est de cela qu’il souffre et par-là qu’il devient le bourreau abuseur de la jeune Agnès. Nous découvrons d’un coup, et non sans stupeur, de quoi parle cette pièce écrite bien avant Nabokov. 

Je ne sais précisément, et c’est très bien comme cela, ce qu’a souhaité montrer le metteur en scène par cet immense mur qui clôt le spectacle. Ce que j’y vois, tout à fait personnellement, c’est le désir malade d’Arnolphe d’emmurer l’innocence d’Agnès, de bétonner sa pureté enfantine, de la faire sienne au risque qu’elle en devienne grise et morte. Je ne peux m’empêcher de projeter sur cette image finale l’idée d’un mur destiné à ce que nous commémorions toutes ces victimes abusées qui n’ont pas eu la chance que leur histoire se termine comme une comédie de Molière.  

Merci aux artistes !

Christophe JANSSEN – Psychologue